Chapitre 15


    Quand Mariette se réveilla, Arianne s’était depuis longtemps envolée du nid douillet. Mariette bossait seulement l’après-midi tandis que sa compagne était de service le matin. La nuit avait été très courte et plutôt mouvementée.
    Au pied du lit, une sorte de grosse trousse en cuir était ouverte et les instruments qu’elle contenait étaient posés pêle-mêle sur l’intérieur en velours noir.
Mariette avait écarquillé les yeux en voyant Arianne ouvrir cette boîte à outils très spéciaux. Bien alignés dans leur logement respectif et classés par ordre de taille croissante, huit godemichés en ivoire poli et brillant attendaient qu’on les empoigne par leur manche en ébène.
    - « C’est le cadeau d’un de mes anciens amants qui avait peur que je m’impatiente en l’attendant... Et je dois avouer que je me suis souvent impatientée. »
    Le plus petit était de la taille du petit doigt. Il faisait penser à un tube de rouge à lèvres mais sa forme sans équivoque de mini-phallus laissait facilement deviner qu’il était destiné à d’autres lèvres. Le dernier de la série était finement ouvragé faisant apparaître les moindres détails d’un sexe masculin en érection. Un sexe toutefois improbable puisque son diamètre de base était celui d’un poing fermé pour une longueur d’environ vingt-cinq centimètres.
Sans doute pour ne pas effrayer davantage sa compagne, Arianne se saisit de l’objet situé au milieu de l’étui et qui se présentait comme un sexe de dimension « normale ». Elle s’en servit tout d’abord pour caresser Mariette sur tout le corps. Le contact froid de l’ivoire sur sa poitrine lui fit dresser le bout des seins et quelques frissons avant-coureurs l’agitèrent. Allongée sur le lit, les bras tendus en arrière, Mariette se cambra légèrement tandis que la pointe du godemiché glissait sur son ventre.
    Experte en la matière, Arianne ne se précipita pas vers son but. Elle profita de la situation pour jouer au chat et à la souris ou plus exactement avec la chatte de la souris. Mariette se mordillait les lèvres, obnubilée par ce sexe qui s’obstinait à la butiner sans la pénétrer. Quand le fruit fut mûr à point, Arianne enfonça soudain l’outil jusqu’à la garde et le maintint en place tandis que Mariette soulevait les fesses, pliant les genoux pour accompagner le mouvement jusqu’au bout d’elle-même.
    C’était une sensation encore inconnue pour elle de se sentir prise ainsi, sans aucun contact charnel autre que cette présence en elle. Pas de poitrine chaude l’écrasant de son poids. Pas de caresse pour la distraire de son but ultime. Pas même sa propre main pour accompagner la pénétration comme elle le faisait lors de ses escapades en solitaire.
Arianne, installée entre les jambes écartées de sa proie, prenait soin de ne pas toucher Mariette pour que sa partenaire n’ait d’autre relation avec le monde extérieur que ce sexe qui la fouillait au plus profond de son intimité. Les yeux révulsés en arrière, Mariette n’avait plus de corps. Elle n’était plus qu’un gouffre de plaisir, un volcan sous pression sur le point d’éclater.
    Arianne fit tourner plusieurs fois le godemiché avant de le retirer centimètre par centimètre. Puis de l’enfoncer à nouveau d’un geste brusque. Et de recommencer. Et de recommencer encore et toujours jusqu’à ce que Mariette entre en éruption. La pression était en bas mais l’explosion jaillit de sa bouche d’un cri rauque et soudain. Un râle qui n’en finissait plus.
Quand les cris se tarirent, Mariette haletait comme si elle venait de courir un marathon.
    - « N’ouvre pas les yeux. Reste comme ça. Je vais te rejoindre. »
    Laissant le godemiché blotti au fond de sa cachette, Arianne prit le sien. Le plus gros. Celui qui ressemblait davantage à une matraque qu’à un objet de plaisir. Elle s’allongea à côté de Mariette et saisissant à deux mains l’énorme instrument, elle se l’inséra sans ménagement dans le vagin en grimaçant de douleur. Elle attrapa ensuite le drap et recouvrit d’un geste les deux corps dénudés.
    - « Ne bouge plus. Laisse-toi bercer par ce qui est en toi et endors-toi. Bonne nuit. »
    Arianne posa sa main sur celle de Mariette et les deux jeunes femmes sombrèrent rapidement dans un sommeil de plomb.

    En se réveillant, Mariette constata que le godemiché était toujours en place. Elle le saisit par le manche et le retira avec précaution, résistant à l’envie soudaine de jouer un peu avec. Comment dire. Le désir était présent mais le coeur n’y était pas. Tournant la tête, elle remarqua quelques gouttes de sang séché sur le drap à l’endroit où Arianne avait dormi. Elle avait dû avoir les yeux plus gros que le ventre...
    Le corps immergé dans un bain réparateur, Mariette avait ses pensées plongées dans un autre océan. Elle se sentait bizarre. Comme en état de manque. Mais ce n’était pas son sexe qui criait famine. Plutôt son esprit. « Un seul être vous manque et... » Une voix inconnue venait de traverser sa tête. Une voix qu’elle n’avait plus entendue depuis si longtemps qu’elle l’avait presque oubliée. Sa propre petite voix intérieure. Celle qui l’accompagnait avant... Avant que sa « Chose » ne vienne la remplacer.
    S’asseyant soudain dans la baignoire, Mariette ouvrit les yeux. Sa « Chose » avait bel et bien disparu. Elle le sentait de toute son âme. Ce n’était pas une simple fugue à laquelle sa « Chose » l’avait habituée car, même dans ces moments là, elle conservait en elle une trace presque physique de sa présence. Là, plus rien. Le vide. Depuis quand la « Chose » avait-elle déserté Mariette ? En réfléchissant, elle se rendit compte que sa « Chose » était déjà partie quand elle s’était rendue chez Arianne. Elle n’y avait alors pas prêté attention car sa « Chose » avait l’habitude de prendre un peu de repos fort mérité après une journée bien remplie (selon son point de vue).
    - « Elle va revenir », dit tout haut Mariette, comme on s’exprime pour conjurer un sort... Mais sans trop y croire.
    Une fois habillée, Mariette sortit dans la rue après avoir allégé le réfrigérateur de son hôtesse de quelques calories bienvenues. Elle se sentait presque perdue, ne sachant où aller. En passant devant un porche, elle sursauta. « Entre là ! » ordonna une voix dans sa tête. Mariette n’obéit pas. Ce n’était pas sa « Chose ». Juste sa propre voix qui lui jouait un mauvais tour. Un mirage auditif.
    Les hommes qui la croisaient ne l’inspiraient plus du tout. Ils étaient fades. Sans saveur. Leur costume ne laissait pas entrevoir le moindre zizi.
    En arrivant au travail, Mariette ne s’arrêta pas en passant devant la porte d’Arianne. Elle se rendit directement dans son bureau. Sans aucun enthousiasme, elle s’assit dans son fauteuil, se demandant comment elle allait bosser si sa « Chose » n’était plus à ses côtés pour prendre le relais. Elle se sentait vidée de toute substance.
    Elle mit en marche ses deux Minitels, machinalement. Comme prévu, en ce début d’après-midi, seules les araignées de service sommeillaient au milieu de leur toile électronique. Elles grignotaient deux ou trois moucherons inconscients et inconsistants. Mariette ferma les yeux. Toujours rien.
    Quand elle les rouvrit, un « MACHIN » venait de faire son apparition sur l’écran.
    « Salut MACHIN ! C’est quoi ton TRUC à toi ? », pianota d’instinct Mariette.
    La réponse vint aussitôt :
    « Tu ne devines pas? »
    « Pas aujourd’hui. Je suis un peu lasse de tout. Je viens de perdre un être cher. »
    Mariette avait écrit « chair » mais elle se reprit avant d’envoyer le message et corrigea l’allusion que son interlocuteur n’aurait pas pu comprendre. Ce n’était pas très professionnel de se confier ainsi à un inconnu censé être avide d’un tout autre genre de confidences.             Mariette ne s’en souciait pas.
    « Tu y tenais beaucoup ? »
    « Laisse tomber. Tu préfères pas que je te fasse une pipe ou que tu m’encules ? »
    Mariette perdait les pédales. En voyant ce qu’elle écrivait sur l’écran, elle se rendit compte à quel point elle manquait de subtilité. Trop tard. Elle avait appuyé sur « Envoi » et le texte s’était envolé.
    « Allons, allons. Je t’ai connue plus enthousiaste pour parler des choses du sexe... »
    « On se connaît ? »
    Mariette avait l’intuition que « MACHIN » n’était pas un client de passage. Sa question était de pure forme car elle se dit qu’il devait s’agir d’un de ses fidèles. Et dans ce cas, ce n’était pas si grave que ça de se laisser aller à épancher quelques sentiments personnels. Au contraire, ça renforçait la fidélité. Comme dans la vraie réalité.
    « Et si nous allions boire un verre ensemble pour discuter de choses et d’autres ? »
    « Si tu me connais aussi bien que je le crois, tu sais que tu n’as aucune chance... »
    « C’est pourtant dans l’ordre des choses... »
    « Mais pas dans mes habitudes. »
    « Bon, alors passons à autre chose. »
    Mariette allait répondre une banalité supplémentaire quand ses doigts restèrent figés sur le clavier. Avec fébrilité, elle appuya sur une touche (très pratique) qui lui permettait de refaire défiler les messages précédents.
    « chose »... « chose »... « chose »... « chose »... Quelque chose n’allait pas. Le hasard est souvent une bonne chose mais trop, c’est trop. Qui donc pouvait se trouver à l’autre bout de la ligne pour la torturer ainsi et la faire gigoter sur son hameçon, l’air de rien ? Il lui fallait en savoir plus. Clouer le bec à cet intrus qui lui enfonçait le couteau dans sa plaie laissée béante depuis le départ de sa « Chose ».
    « Dis-donc, petit machin, tu ne crois pas que j’ai deviné qui tu es ? »
    « Ça, ça m’étonnerait. Ce n’est pas chose facile de me cerner et encore moins de me mettre la main dessus. »
    Arianne ! MACHIN devait être Arianne. Ça ne pouvait être qu’elle. Mariette pensa que, durant son sommeil troublé, elle avait dû parler de sa « Chose » et Arianne en profitait maintenant pour la taquiner.
    « Arrête, Arianne, ce n’est pas drôle ! »
    « Arianne ? Tu te trompes ma belle. Le sexe que j’ai, bien dressé entre les jambes, n’a rien de la froideur de l’ivoire... »
    Le message s’effaça pour céder la place à la suite.
    « ... Le mien, c’est tout autre chose. Il est à la fois souple et rigide. Chaud et vivant. Et tellement impatient de vivre enfin en toi ! »
    Mariette fixait l’écran sans comprendre et ses doigts balbutièrent une réponse sur le clavier.
    « Mais aklors ? tu es qyui ? »
    « Tu donnes ta langue au chat ? Je préférerais l’inverse, tu sais. Je suis ta « Chose ». Rien que ta « Chose ». Et je suis vivant ! »
    Guillemets, majuscules, chaque chose à sa place. Mariette n’en revenait pas.
    Elle en revint pourtant. Ils se rencontrèrent, s’aimèrent, eurent de nombreux enfants... Et prirent beaucoup, beaucoup de plaisir à les faire.




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Lundi 21 août 1 21 /08 /Août 00:26
- Publié dans : Roman : "La Chose" - Voir les 0 commentaires
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