Chapitre 11


    « Je te signale que si tu as encore une idée derrière la tête, tu vas finir par me faire rater le rendez-vous. » « Je te suis. » se répondit à elle-même Mariette en lieu et place de sa « Chose ».
    Mariette arriva à l’arrêt du bus avec une petite dizaine de minutes d’avance et elle se dit qu’avec dix minutes supplémentaires, la « Chose » aurait bien déniché, même sur place, un petit passe-temps casse-croûte pour la faire agréablement patienter. D’ailleurs, cela n’aurait été guère compliqué, au vu des regards que les hommes lui lançaient, de la voir ainsi, le sac dansant à l’épaule, appuyée contre un Abribus, alors que le dernier transport en commun avait quitté les lieux depuis une bonne heure.
    A 21 heures sonnantes, un van Chrysler noir métallisé s’arrêta devant elle. « Charmant, le comité d’accueil », songea Mariette en voyant s’ouvrir la porte arrière du corbillard aux vitres fumées. Comme personne n’en descendait, elle s’en approcha timidement pour jeter un coup d’oeil à l’intérieur.
    - « Veuillez monter, je vous prie », fit une voix sortant d’un petit haut-parleur accroché au plafond et qui devait appartenir au chauffeur invisible.
Mariette monta. Elle entendit un petit déclic et la porte se referma toute seule.
    - « Installez-vous confortablement. Le trajet va durer environ une heure. Je vais maintenant obturer les fenêtres car vous ne devez pas connaître votre destination. Ne vous inquiétez pas, nous nous chargeons de tout. »
    Le van démarra en douceur dès que Mariette s’assit dans un petit canapé moelleux. L’intérieur du véhicule n’avait rien d’une crypte malgré ses apparences. C’était même un peu trop kitsch, style petit salon d’attente d’un bordel des années vingt, avec du rose à outrance, des dentelles voyantes et, accrochées à la paroi matelassée, trois gravures coquines.
    - « Si vous voulez vous servir un verre, vous avez un réfrigérateur dans la commode en face de vous. »
    - « Merci. Je n’ai pas soif », répondit Mariette en levant la tête pour s’adresser au haut-parleur.
    - « Alors, allez vous installer dans le fauteuil et ouvrez le secrétaire. »
    Mariette s’exécuta. Une fois assise, elle tourna la clef et ouvrit le meuble. Un micro-ordinateur se mit en place sur la tablette qu’elle venait d’abattre et le voyant rouge passa au vert tandis que l’écran s’alluma.
    - « Veuillez maintenant suivre les instructions qui vont s’afficher et répondre à toutes les questions. Si vous refusez de répondre et c’est parfaitement votre droit, je vous ramènerai à votre point de départ où à l’endroit que vous souhaitez. »
    « Trop poli pour être honnête », « Il faut se méfier de l’eau qui dort », « Ne monte jamais dans la voiture d’un inconnu »... Ce n’était vraiment pas le moment de se remémorer les conseils de sa mère mais Mariette n’était pas du tout rassurée. Après tout, elle et Arianne n’avaient pas (encore) gardé les cochons ensemble...

    Les premières lignes de questions s’inscrivirent : « Veuillez, s’il-vous-plaît, écrire votre nom et votre prénom ». Décidément, ils étaient très « plaisants ». Mariette se dit aussi qu’elle ne risquait pas grand chose à se dévoiler. Et pour ce qui était des prospectus, en recevoir un de plus ou un de moins à la maison, ne ferait guère la différence.
Suivait un très classique état civil, incluant un carnet de santé complet (maladies infantiles et vaccinations. Toutefois, point de numéro de sécu, ni cachet du médecin faisant foi) puis un curriculum vitae digne d’un candidat au poste de haut fonctionnaire. Mariette avait l’impression de se mettre entièrement nue avant l’heure.

    Une fois cette partie dûment remplie, l’ordinateur la prévint, toujours en termes complaisants, que Mariette ne serait ce soir qu’une simple « invitée ». Elle profiterait donc à ce titre, non pas d’un traitement de faveur mais d’une sorte de privilège « que vous ne pourrez obtenir qu’une fois par an ».
    - « Si vous désirez en savoir plus, cliquer sur le champ Bienvenue au club. Sinon, cliquez sur le champ Invité(e) et le questionnaire prendra fin. »
    Et l’ordinateur de préciser, « Si toutefois vous souhaitez éventuellement vous joindre à nous régulièrement et profiter pleinement des avantages de notre club, veuillez poursuivre ce questionnaire et le remplir dans son entier. Vous aurez ensuite huit jours pour satisfaire les conditions financières d’inscription (un descriptif détaillé des différentes formules vous sera adressé dès demain à votre domicile). Pendant ce laps de temps,  il faudra qu’au moins deux des membres de notre club cooptent votre candidature. Aussi, nous vous invitons à prendre quelques contacts dès ce soir avec les personnes qui sembleraient s’intéresser à vous. »
Mariette cliqua le champ Bienvenue, plus curieuse qu’intéressée.

    Elle dut alors fournir sa description physique (mensurations de bas en haut) mais aussi sa couleur préférée, ses parfums favoris, avant de passer au chapitre « Fantasmes et pratiques ».
    « Acceptez-vous la fellation ? », « la pénétration anale ? », « la double pénétration anale-vaginale ? », « la double pénétration vaginale ? », « la double pénétration anale ? », « la triple pénétration... » Les questions commençaient à lui sortir par tous les trous mais Mariette continuait résolument à cocher les cases « Oui » avec la souris (en forme de vagin avec le « clic » sur le clitoris). Elle préféra toutefois opter pour la case « Non », à partir de la « triple pénétration », ce qui eut pour effet immédiat de passer au chapitre suivant. Mariette était désolée. Elle ne saurait jamais jusqu’où le questionnaire poussait la fantaisie dans l’exploit sportif.

    Elle acceptait l’homosexualité « active » et « passive »... Mais pas de s’accoupler avec un cheval, pas plus qu’avec un chien. En cas de « Oui », elle suppose que tout le zoo aurait défilé, se demandant quand même s’il y avait une case « porc-épic »...

    Elle refusa tout net le fouet et autres tortures moyenâgeuses dont certaines, sans doute difficiles à décrire, étaient illustrées par des photos tout ce qu’il y a de « parlantes ». Toutefois, au chapitre du « bondage », elle consentit à se laisser attacher, en rajoutant dans le champ Remarques, « A condition que les liens ne soient pas trop serrés et ne laissent pas de marques. »

    Elle glissa un « Non » commun à toutes les questions sur le « hard crade », se disant que si un jour le ketchup ou la scatologie devait la tenter (ce dont elle doutait), elle préférerait se trouver un initiateur-trice par elle-même.

    Pour le « voyeurisme », elle donna son accord, précisant qu’elle préférait « y ajouter une touche personnelle active ».
    Finalement, la question qui lui posa le plus de problème était celle de savoir si oui ou non elle pouvait se laisser raser le sexe. Mariette n’avait jamais encore franchi ce cap (elle se contentait de laisser l’esthéticienne y apporter sa touche esthétique) et finalement conclut par un « Non ». Elle se disait que, là encore, si elle devait le faire, cela se déroulerait dans l’intimité de sa propre salle de bain.

    La partie qui amusa le plus Mariette fut assurément le chapitre consistant à « Classer de un à dix vos positions préférées ». L’écran se divisa en vingt-cinq cases numérotées, avec une petite note en bas à droite : « Il existe bien sûr d’autres positions mais qui sont généralement des simples (là, Mariette se demandait si le mot était bien choisi) variantes de celles que vous pouvez voir ci-dessus. Si vous souhaitez porter votre choix sur d’autres positions, cliquez le champ Autres positions et décrivez en détail celles qui vous intéressent. »
    Celles que voyait Mariette sur l’écran lui suffisaient amplement. Chaque case de ce « catalogue » était représentée par une photo sans équivoque où le même homme et la même femme s’emboîtaient parfaitement pour constituer un drôle de puzzle.
    La numéro 1 était la « classique » position du missionnaire. La femme étendue sur le dos, jambes allongées et écartées.  L’homme dominant la situation, bras tendus en appui. Mariette la choisit en premier. C’était certes tout ce qu’il y a de plus banal mais dans la grande majorité des cas - ce qu’elle venait de vivre aujourd’hui sortait de la norme - elle faisait l’amour dans un lit. Mariette appréciait de se retrouver confortablement installée (elle glissait souvent, en plus, un oreiller sous ses reins), pouvant se laisser aller ainsi, toute à son plaisir. Et puis, le « missionnaire » était une figure de base qui pouvait rapidement se métamorphoser en d’autres exercices tout aussi sympathiques laissés à l’appréciation des partenaires. Comme saisir les deux chevilles pour lever les jambes bien à la verticale. Ou replier légèrement les genoux pour mieux accueillir son hôte. Voire même croiser les jambes dans son dos pour l’ancrer profondément. Ou lui laisser glisser les bras sous les genoux pour bien la basculer en arrière (sa préférée pour la pénétration anale). Ou bien carrément l’attirer, poitrine contre poitrine pour se sentir écrasée sous le poids de son désir.
    La numéro 2, en « levrette », était tout aussi « classique ». Une position « typiquement intellectuellement masculine », songea Mariette... Mais qui n’était pas pour lui déplaire. Elle prenait simplement la précaution de se faire prendre ainsi dans le mitant du lit, ayant par deux ou trois fois subit des assauts désagréables pour s’être cognée la tête contre le mur. Désormais, Mariette enfouissait également sa tête dans un oreiller. Ce qui avait pour effet secondaire non négligeable de largement mettre en valeur sa croupe offerte. Elle avait parfois tenté de profiter de cette position pour glisser sa main gauche sur son sexe et se procurer quelque plaisir supplémentaire mais l’équilibre sur une seule main était trop précaire pour pouvoir se concentrer pleinement sur sa jouissance. Si la zigounette du monsieur était assez puissante et expérimentée pour faire son travail toute seule, Mariette appréciait également que son cavalier lui saisisse les seins à pleines mains et les caresse tout doucement. Mais ce n’était guère recommandé car le partenaire, souvent entraîné par la suggestivité de cette position un peu bestiale, se montrait facilement trop brutal pour sa délicate poitrine. Quant à l’image des « pinales », avec l’homme profitant de sa position dominatrice pour saisir la crinière de la femme et la tirer en arrière, elle ne conseillait à personne d’essayer sur sa personne, sous peine de désagréments subits. Cela lui était arrivé une fois et, en réaction, Mariette s’était aussitôt laissé rouler sur le côté... Et comme l’homme en question n’était pas équipé d’un phallus en forme de tire-bouchon, il avait vite compris qu’il ne devrait pas recommencer. Mariette classa la « levrette » en quatrième place, se disant qu’elle trouverait facilement son bonheur pour la 2 et la 3.
    Justement, Mariette ne se fit pas prier pour classer juste derrière le « missionnaire », la position 5. La femme était allongée, tournée sur le côté. L’homme, étendu derrière elle, lui tenait une jambe légèrement repliée vers le haut pour mieux pousser en avant ses investigations. Côté confort, la 5 était parfaite. Elle avait également des avantages annexes. Ainsi, Mariette ne se gênait pas pour, de sa main gauche (quand elle était sur le côté droit) ou de sa main droite (quand elle était sur le côté gauche), accompagner le rythme en se frictionnant le clitoris. C’était également bien pratique pour terminer un rapport qui s’éternisait. Il lui suffisait alors de se servir de sa main libre comme d’un pressoir à citrons. Quelques massages appuyés sur les testicules du monsieur ne tardaient jamais à faire mûrir le fruit de ses efforts.
    Pour un autre « classique » du genre, le « 69 », classé 10, elle ne prit pas la peine de l’inventorier. Mariette reprochait simplement à cette position de ne pas apporter à la fois du plaisir et d’en recevoir la juste contrepartie espérée, alors que c’était le but avoué de ce serpent qui se mord la queue (au sens figuré uniquement). Mariette préférait nettement procéder à un « 6 » suivi d’un « 9 » (ou l’inverse), plutôt que de réunir ces deux chiffres dans une figure commune.
    Mariette ne put s’empêcher de sourire en détaillant ensuite certaines positions qui relevaient davantage du numéro de cirque que de l’art de bien jouir. « Brouettes » savantes, contorsions « torticolesques », représentaient certes un esthétisme recherché mais elle doutait d’arriver ainsi à ses véritables fins (faims).

    « Exigez-vous le port d’un préservatif pour vos partenaires ? » Sans hésitation, elle répondit par l’affirmative et l’écran se mit alors à clignoter avec un message d’alerte.
« Au cours de toutes nos soirées, le préservatif est obligatoire. Nous vous en fournissons autant que vous voulez, au parfum de votre choix, à la taille et à la forme désirées. Tout rapport sexuel non protégé, même après un consentement mutuel, entraîne l’exclusion immédiate et définitive des deux partenaires. »
    « Bon, se dit Mariette, au moins je vais faire des économies de ce côté là. »
    « Pour continuer, appuyer sur le champ OK. »
    « OK. »
    « Bienvenue aux Rencontres du troisième type ! »
Acceptée. Lue et approuvée. L’heure était écoulée et l’heure était arrivée de faire des « rencontres ».



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Jeudi 17 août 4 17 /08 /Août 00:15
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