Chapitre 7


   De retour dans sa cellule ouatée, Mariette se brancha sur ses deux Minitels (le troisième était en panne depuis deux jours). « ULLA » à gauche et « COQUINA » à droite. C’est fou ce qu’un simple « petit A » pouvait développer l’imagination des hommes.
   Sur les deux écrans jumeaux, la liste des utilisateurs était restreinte. Elle reconnut au premier coup d’oeil les pseudos de ses collègues de travail, comme autant d’araignées au centre de leur toile, prêtes à fondre sur la première proie qui se présenterait. Elles étaient d’ailleurs en train de « dévorer » goulûment un « SALUT », un « VIENCHEZMOIJAIDEJA UNE COPINE », et un « QUOIDENEUFDOCTEUR » qui ne devaient pas en mener large dans leur slip.
   Chaque fille avait son propre logo d’accroche (concocté par le fils du patron qui était un fana d’informatique). C’était sa parade nuptiale téléphonique qui distinguait la « pro » de la simple passagère. Petits coeurs, lettres soulignées, flèches, tout était bon pour transformer un prénom en affiche publicitaire. Les clients réguliers s’initiaient souvent à cet art de transformer les touches du clavier de leur Minitel en figures géométriques qui, unies l’une à l’autre, illustraient leurs fantasmes. Les moins doués pouvaient s’adresser à leur hôtesse qui leur délivrait le lendemain une jolie signature personnalisée.
   Sur son écran, Mariette aperçut une fleur solitaire, une petite « ROSE PARFUMEE », toute dénuée d’épines électroniques. Elle venait juste d’arriver et visiblement les mâles en piste ne lui tournaient pas encore autour. Sans doute n’avaient-ils pas encore épuisé l’ardeur de leurs partenaires pour aller respirer son parfum.
   « Toc Toc, je peux entrer dans ton petit salon? », s’inscrivit sur la ligne de message de « COQUINA », signé « ROSE PARFUMEE ».
   Les « salons » étaient des lieux « clos » où deux, trois, voire dix interlocuteurs (mais là, c’était le véritable bordel) pouvaient se retrouver à l’abri des « oreilles » indiscrètes. En fait, il y avait plusieurs niveaux d’isolation. Le salon « classique » était plutôt une antichambre où certains « SYSOPS » (Système opérateurs) pouvaient aisément pointer le bout de leur nez sans laisser entrevoir leur moustache. Ce que les filles appelaient le « petit salon » était un véritable coffre-fort où seules les opératrices pouvaient sélectionner leurs « invité(e)s » en l’absence de tout intrus, visible ou non.
   Cette connaissance discrète des lieux indiscrets intriguait Mariette qui répondit aussitôt, un peu méfiante. Ce n’était pas le genre de la maison de faire de l’espionnage industrieux pour surveiller le travail des filles. Mais on ne sait jamais...
   « Désolée, aujourd’hui ma chambre est ouverte à tous... »
   « Dommage, ma petite chatte en ronronnait d’avance, après avoir pris goût à la tienne... »
Arianne !
   « OK, je t’emmène », écrivit Mariette qui, d’une combinaison de touches, bascula instantanément « ROSE PARFUMEE » dans son petit salon intime.
   Dans son écrin secret, Mariette n’avait guère l’habitude de papoter avec les clients. Ni les clientes. D’ailleurs, son patron n’encourageait guère ce genre de rencontres, trop intimes et pas assez commerciales. On n’était pas là pour s’amuser ! Pas question de s’approprier un seul client tandis que d’autres faisaient la queue...
   « Ça te dit un rdv ce soir ? »
   « Avec toi ? », répondit Mariette.
   « Pas seulement. C’est une sorte de club de rencontres que je connais bien. Nous organisons des soirées à thème. Si tu veux, tu peux être mon invitée. »
   « Et c’est quoi le thème ? »
   « Surprise ! Ce sera plus amusant si tu le découvres sur place. C’est OK ? »
   Mariette avait jusque là répondu du tac au tac. Maintenant, pour donner son accord, elle avait besoin de réfléchir. D’un côté, il fallait trouver une excuse pour découcher (façon de parler...) de la maison familiale. Mais ça, c’était un détail. Du même côté de la balance, elle devait également faire peser sa forme. Elle avait dépassé largement sa dose d’exercices de travaux manuels depuis son réveil. La séance (du moins la partie active) chez Arianne avait été particulièrement éprouvante du point de vue physique... Pas étonnant qu’ils s’endorment ensuite!
   Pour faire l’équilibre, la « Chose » ne manquait pas non plus d’arguments. Dans sa tête des petites phrases du genre « ça serait pourtant une expérience intéressante » étaient doucement suggestives en faveur d’une réponse favorable. « Et puis tu auras tout le reste de la nuit pour te reposer. Je te promets d’être sage ensuite ». Là, Mariette imaginait très bien sa « Chose » en train de croiser les doigts derrière son dos, ou du moins son interprétation mentale.
   « Alors ? »
   Arianne s’impatientait.
   « OK. Je fais comment pour te rejoindre ? »
   « Quand tu partiras ce soir, tu trouveras l’invitation dans ton casier. Tout est écrit dessus. Tu verras, tu ne le regretteras pas... Et moi non plus ! »
   Ainsi soit-il.


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Dimanche 13 août 7 13 /08 /Août 23:58
- Publié dans : Roman : "La Chose" - Voir les 0 commentaires
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