Chapitre 4


    Pour se rendre à son bureau, Mariette prenait le bus. Ce matin là, l’automne naissant était radieux et elle décida d’aller travailler à pied. Après ce début de matinée agité, loin d’être fatiguée par ses exploits solitaires, la jeune femme se sentait pousser des ailes et débordait d’énergie. Les trois petits kilomètres à parcourir lui apparaissaient comme une promenade de santé.
    En passant devant la file d’attente du bus, elle remarqua un homme qu’elle n’avait jamais vu auparavant. Il y avait « Monsieur Figue-sèche », baptisé ainsi parce que visiblement rabougri de corps et d’esprit; Monsieur Prébandet, un voisin retraité de la fonction publique que Mariette surnommait  «A-vos-marques » en raison des oeillades qu’il lui lançait chaque fois qu’elle le croisait; Madame Martin, une habitante du quartier aussi anonyme que son patronyme; deux ou trois personnes que Mariette ne connaissait que de vue.
   Et puis cet Homme. Grand. Les yeux assez clairs pour se rendre compte, même à dix mètres, qu’ils étaient clairs, sans pouvoir toutefois en distinguer la couleur. Un jean moulant. Un pull de camionneur bleu (le pull, pas le camionneur) à la fermeture-éclair ouverte sur un bout de tee-shirt blanc. Des cheveux grisonnants, courts mais abondants. Une bouche que Mariette (ou plutôt sa « Chose ») qualifierait volontiers « d’intéressante ».
   - « Monte devant lui! »
   Mariette s’arrêta net. Surprise. Sa « Chose » ne lui donnait jamais d’ordre aussi clair et précis que celui qui venait de résonner dans sa tête. Impossible d’y résister. Elle se dirigea donc vers la file et, comme si de rien n’était, elle s’intercala entre l’Homme et Monsieur Prébandet.
   Quand le bus s’arrêta, il était déjà bondé de travailleuses et de travailleurs en tout genre. Le flux entraîna Mariette jusque vers le fond du car et elle prit soin de saisir la barre centrale, posant sa main droite quelques centimètres au-dessus de celle de l’Homme, après s’être glissée juste devant lui. En bousculant au passage Monsieur Prébandet qui se garda bien de rentrer ses mains baladeuses. Ce qui ne manqua pas de provoquer une rougeur sur le visage du retraité, ses joues devenant en un instant du même coloris que son nez.
   Dès le premier cahot, Mariette se laissa volontairement basculer en arrière puis conserva sa position. Les fesses bien calées, juste en dessous de la ceinture de l’Homme qui se tenait derrière elle. Lui non plus ne bougea pas. Pas plus que sa main ne se décala quand celle de Mariette descendit le long de la barre, jusqu’à entrer en contact.
   D’un geste apparemment anodin, Mariette rajusta le sac qu’elle portait en bandoulière. Elle contourna l’objet et posa directement sa main gauche au niveau du sexe de l’Homme, profitant des corps serrés les uns contre les autres pour la masquer aux yeux des autres passagers. Toujours pas de réaction. Mariette ne voyait pas le visage de l’Homme mais ce dernier ne pouvait ignorer cette attaque directe. D’autant plus que Mariette commença à refermer sa main, pressant les doigts pour mieux saisir sa prise. Pression, relâchement. Pression, relâchement...
   A chaque mouvement, Mariette constatait que son petit manège portait ses fruits. Le tissu du pantalon se tendait et le renflement mûrit jusqu’à prendre une forme sans équivoque que Mariette n’avait aucun mal à imaginer. Après une dernière pression, elle changea de tactique. Elle appliqua alors la main bien à plat, doigts vers le bas, la paume légèrement creusée pour épouser parfaitement le sexe de l’Homme maintenant dressé au maximum de ses capacités.
   Mariette reprit le même rythme mais cette fois-ci de bas en haut. A chaque passage,  la main s’arrêtait quelques secondes afin de chatouiller du bout des doigts les fondations de ce solide pylône (qui, malgré les apparences, n’avait rien de branlant).
   L’Homme entra dans le jeu et accueillit la main par un discret balancement régulier d’avant en arrière, parfois entrecoupé d’un violent coup de reins quand une ornière dans la chaussée lui en donnait l’occasion... Sans pour autant attirer l’attention des voisins.
   Trois arrêts plus loin, Mariette avait sensiblement accéléré la cadence. L’Homme suivait toujours. Toutefois, le bus se vidait régulièrement et dangereusement de ses passagers.
   - « Descends maintenant! »
   Pas question de résister à la « Chose » qui devait sûrement avoir une petite idée derrière la tête car Mariette ne l’avait jamais vue renoncer à une proie avant d’être repue. Et là, Mariette était très loin d’avoir apaisé son excitation. Elle lâcha donc la barre et d’un pas mal assuré se dirigea vers la sortie du bus. Elle appuya sur le bouton pour demander l’arrêt.
Une fois dehors, Mariette se mit à marcher, prenant de grandes bouffées d’air frais qui lui coloraient encore un peu plus les joues. Elle n’avait pas besoin de rétroviseur pour s’apercevoir que l’Homme avait lui aussi interrompu son trajet et la suivait maintenant, une dizaine de mètres en arrière.
   - « Entre là! »
   Mariette devinait où sa « Chose » voulait en venir et franchit la porte cochère qui se présentait sur sa gauche. Elle débouchait sur une petite cour aveugle, dissimulée de la rue. Un endroit parfait pour soulager un petit besoin...
Mariette n’attendit pas que l’Homme arriva. Elle releva sa jupe étroite, enleva sa petite culotte qu’elle mit dans son sac, se pencha en avant et s’appuya des deux mains contre le mur. Tout en marchant dans la rue, elle avait ouvert son sac pour en extraire un petit rond rose qu’elle tenait maintenant dans son poing fermé. Quand elle entendit l’Homme s’approcher, Mariette tendit la main en arrière et l’ouvrit. Pas besoin de longs discours. L’Homme se saisit du préservatif. Elle entendit sauter le cran de la ceinture puis un à un les boutons de la braguette se dégager de leur boutonnière. Le pantalon tomba sur les chevilles de l’Homme. Une dizaine de secondes s’écoulèrent pendant lesquelles Mariette s’imagina, amusée, l’étalon aux prises avec son tuyau de latex. Celui-ci était parfumé à la vanille. Ce qui, dans le cas présent, cela n’avait guère d’importance. Dans ces moments-là, elle préférait faire semblant de ne pas regarder pour ne pas gêner son partenaire mais là, elle n’avait pas du tout envie de tourner la tête. Son attention restait fixée sur ce qui n’allait pas tarder à se produire.
   L’Homme déposa un peu de salive sur le bout de son sexe emmailloté. En pur réflexe, car la séance dans le car avait inondé Mariette. Il plia légèrement les genoux et la prit d’un seul coup en se relevant, plongeant son épée jusqu’à la garde. Ce simple décollage avait suffi pour propulser Mariette jusqu’au septième ciel. Elle haletait, gémissait sous les coups répétés. La mèche était allumée depuis longtemps et l’Homme, lui aussi, était au bord de l’explosion. Elle arriva sous forme d’un long cri rauque après une dernière poussée, plus violente que les précédentes. Puis le silence. Les deux amants repus restaient immobiles, l’un dans l’autre, reprenant leur souffle et leurs esprits.
Mariette laissa son front reposer contre le mur et ne bougea plus. L’Homme se dégagea enfin, laissant glisser son sexe, encore raide, hors de son fourreau. Il se rhabilla derrière elle, posa un bisou sur les fesses de Mariette et s’éloigna en lançant un « Au revoir, mademoiselle ».
   Un vrai gentleman. Il avait même pris soin d’emporter avec lui le préservatif usagé... Et Mariette doutait que ce soit pour s’en resservir ou l’ajouter à une collection.



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Jeudi 10 août 4 10 /08 /Août 22:37
- Publié dans : Roman : "La Chose" - Voir les 0 commentaires
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