Roman : "La Chose"

Chapitre 6

   L’heure de la pause de 13 heures approchait. Ce n’était pas tant la faim qui tenaillait le ventre de Mariette, qu’une boule chaude témoignant d’un tout autre genre d’appétit. Ce matin là, le Minitel était resté muet. Toutefois, trois coups de fil particulièrement salés (la note aussi, pour les clients), lui avaient mis l’eau à la bouche (et ailleurs). Depuis l’épisode du bus, la « Chose » n’avait pas fermé l’oeil. Toujours là. Douce et ronronnante comme une chatte au coin du feu.
   Mariette n’avait guère de contacts, hormis professionnels, avec ses collègues de « bureau ». Une bise quand elle les croisait le matin (pour les « anciennes »), un café papoteur pendant les pauses et ça s’arrêtait là. Pourtant, en arrivant le matin, le regard de Mariette s’était longuement attardé sur une croupe qui dépassait de l’entrebâillement d’une porte. Cette paire bien moulée dans l’étroite jupe d’un petit tailleur noir appartenait à Arianne (avec deux « N », avait-elle bien précisé le jour de son embauche). Arianne c’était un peu la Perrette de la fable. Toujours légère, courte vêtue et pleins de rêves de conquêtes dans la tête. Pourtant, elle n’avait rien d’une cruche. Si ce n’est peut-être la forme au niveau du bassin et de la poitrine mais là, ce serait plutôt un compliment...
   A 13 heures pile, Mariette prit son sac et ouvrit la porte de son bureau-cabine. Arianne venait juste de faire de même.
  - « Tu manges où ? », l’interrogea la belle potiche qui possédait en plus, ce jour là, un décolleté largement évasé.
  - « Je ne sais pas. Peut-être au fast food. »
  - « Si tu veux, viens chez moi. Hier j’avais des invités et il reste assez de bouffe pour nous deux. Tu devrais te régaler. »
   « Tu ne comptes pas si bien dire », souffla la « Chose » à si haute voix dans l’oreille de Mariette, qu’elle entendit ces mots sortir de sa bouche. Un simple murmure. Mais la « Chose », pour la première fois, avait réussi à franchir l’obstacle de la parole sans demander son avis à la propriétaire du corps.
   Arianne n’avait semble-t-il rien entendu ou ne le releva pas.
  - « OK, on y va. C’est loin chez toi ? »
  - « A deux pas. On aura même le temps de prendre ensuite le café. »
   « Seulement le café ? » Cette fois, Mariette avait serré très fort les lèvres et les mots se heurtèrent dans sa bouche. C’était juste.
   L’appartement d’Arianne était minuscule. A l’époque ou le « deux en un » était à son apogée (et pas seulement en matière de sexe), son chez-elle en était la parfaite illustration. Il dépassait même la mesure avec un concentré de cuisine-salle-de-bain-salon-chambre. Il ne restait qu’un petit coin pour le « petit coin », dissimulé dans un (petit) coin, derrière la seule porte intérieure, exceptée celle de sortie (et à peu près une fois sur deux, également celle d’entrée).
  - « C’est une daube dont tu me diras des nouvelles, expliqua Arianne en sortant un fait-tout du frigo. Elle le déposa sur la cuisinière. C’est encore meilleur si je le fais mijoter un peu. Ça ne t’ennuie pas si je prends un bain en attendant ? Je n’en ai pas pour longtemps. Pour patienter, tu n’as qu’à te servir un verre, là, dans le buffet. »
Arianne joignit aussitôt le geste à la parole en ouvrant les robinets de la baignoire et en chassant l’une après l’autre ses chaussures d’un coup de talon. D’un simple zip, le tailleur ne tarda pas à descendre le long de ses chevilles, bientôt rejoint par une boule formée du haut du tailleur et du chemisier.
   Mariette avait la main dans le buffet à la recherche d’un verre mais elle n’arrivait pas à détourner les yeux du spectacle qui s’offrait à moins de trois mètres d’elle. Jusqu’à aujourd’hui, le seul corps féminin qui lui faisait de l’effet était le sien. A son grand étonnement (mais en la matière, sa « Chose » avait fait preuve d’une grande ouverture d’esprit depuis le matin) celui d’Arianne ne la laissait pas indifférente. Son hôte lui tournait le dos. Mariette n’avait pas à affronter son regard pour savourer pleinement l’intimité de ce petit strip-tease personnel. L’agrafe du soutien-gorge ne résista pas à un geste d’habituée. Mariette se délectait quand son amant épuisait ses ardeurs à faire sauter le crochet. En se penchant en avant, Arianne ôta la dernière frontière qui la séparait de la nudité. En levant la jambe gauche pour entrer dans la baignoire, Arianne, qui se tenait maintenant de trois-quarts par rapport à son invitée, dévoila un bref instant une parcelle rose bonbon à la croisée de ses jambes. Le genre de friandise que Mariette aurait bien dégusté sans plus attendre.
  - « Je  te sers quelque chose ? »
   Sans ouvrir les yeux, plongée dans les délices d’une eau fumante parfumée au monoï,  Arianne répondit :
  - « La même chose que toi ».
   La « Chose » de Mariette aimait qu’on parlât d’elle. La même « Chose » avait dit Arianne... Elle ne croyait pas si bien dire.
   Sans s’encombrer des deux verres, Mariette s’approcha de la baignoire, se plaça derrière la tête de la sirène et plongea directement ses mains dans l’eau pour recouvrir les deux seins. Arianne garda les paupières closes et ouvrit légèrement la bouche comme pour prononcer un mot. A tâtons, elle ramassa l’éponge qui dormait sur le bord de la baignoire et la tendit à Mariette. Elle la prit et se déplaça sur le côté pour s’agenouiller à son aise. Tandis qu’elle lui caressait lentement la poitrine avec l’éponge, Arianne s’était un peu redressée et avait glissé une main entre ses cuisses. Elle s’activait, laissant le soin à Mariette de s’occuper de la partie émergée de l’iceberg, qui n’avait rien de glacial.
  - « Va m’attendre sur le lit », murmura Arianne.
  - « D’abord,  juste une petite trempette. La journée a déjà été mouvementée. »
   Mariette laissa tomber l’éponge dans l’eau, puis ses vêtements par terre et entreprit, accroupie dans baignoire, une petite toilette intime qui semblait fasciner Arianne.
  - « C’est bon, j’y vais mais ne tarde pas trop à me rejoindre. »
   Mariette se releva et alla s’allonger sur le lit après s’être furtivement essuyée avec une serviette éponge. Elle ferma les yeux pour mieux savourer l’attente. Elle entendit des clapotis, le froissement d’une serviette, un tiroir qui s’ouvre puis se ferme. Quelques longues minutes de silence, puis les pas d’Arianne approchèrent du lit. Le  premier contact fut une langue chaude forçant les lèvres de Mariette à s’ouvrir puis fouillant furieusement l’intérieur de sa bouche. Le baiser se prolongeait et s’attendrissait. Après avoir mordillé tendrement les lèvres de Mariette du bout des dents, Arianne posa un petit bisou sur la bouche accueillante. La langue repartit à l’attaque en s’attardant dans le cou offert avant de descendre pour s’arrêter sur le mamelon droit. Arianne  laissa courir sa langue dressée sur le corps de Mariette, traçant une ligne bien droite, du sternum jusqu’au bas du ventre. Puis plus rien. Arianne s’installait confortablement, à genoux devant le lit pour mieux s’assurer une position stratégique.
   Glissant une main sous chaque jambe de Mariette, elle lui fit plier les genoux puis les écarta. Les mains longèrent l’intérieur des cuisses pour venir épouser le dessous des fesses. Brutalement, sans prévenir, la langue s’introduisit dans le sexe ouvert de Mariette, provoquant un coup de reins de l’intéressée qui eut pour effet d’enfoncer encore plus profondément l’objet du désir.
   Arianne jouait au chat et à la souris avec sa langue, abandonnant sa proie pour mieux y revenir après avoir contourné, suçoté le petit gardien de ces lieux secrets. Mariette gémissait. Elle se tortillant sur le lit en prenant garde toutefois à ne pas se décrocher de l’hameçon.
Arianne releva la tête, la hochant de droite à gauche pour caresser le ventre de Mariette avec ses cheveux, puis se releva. Mariette gardait les yeux fermés mais ne put s’empêcher de les ouvrir, sous l’effet de la surprise, quand elle sentit le corps d’Arianne peser sur le sien tandis qu’un sexe d’homme la pénétra.
   Arianne, avant de rejoindre son amante, avait fixé autour de sa taille une ceinture qui n’avait rien de chaste. Un véritable truc de professionnelle qui ne devait guère être facile à installer. La rapidité avec laquelle Arianne l’avait enfilée (c’était le cas de dire puisque la ceinture en question possédait deux simulacres de pénis en érection. Le premier destiné à être introduit dans l’anus de l’utilisateur-trice. Le second, dressé en avant, était bien évidemment réservé au partenaire) démontrait qu’elle devait en « user » régulièrement.
Mariette regrettait un peu d’être « distraite » par cette présence inattendue en elle. Elle aurait préféré, pour sa première expérience exclusivement féminine, jouir uniquement des charmes et des talents de sa maîtresse. Mais le regret ne fut que très passager et  visiblement Arianne savait comment s’y prendre pour corser ses rapports sans pour autant faire mâle.
Mariette ne tarda pas non plus à saisir l’avantage de la situation. Elle n’avait aucunement besoin de contrôler son cavalier pour ne pas risquer de le voir arriver à ses fins avant qu’elle aussi franchisse les sommets. Le rôle de monture est rempli d’obstacles de ce genre. Quelques secondes de précipitation, une contraction de trop. Et pfuit... Les espoirs s’envolent.
   Là, Mariette savait qu’Arianne ne pouvait pas fléchir dans ses ardeurs et elle ne se gêna pas pour se laisser chevaucher jusqu’au bout de son plaisir et crier tout son soûl quand le moment fut venu. Un dernier coup de boutoir et Arianne, en sueur, se laissa rouler sur le côté avant de commencer à retirer son harnachement.
   Une délicieuse odeur de daube avait envahi l’appartement. Mariette avait grand-faim... Arianne aussi. Elle retira la ceinture, se pencha sous le lit pour prendre des mouchoirs en papier et deux petites fioles. Elle essuya consciencieusement l’objet qu’elle enduisit d’abord d’alcool puis d’huile d’amande douce.
  - « A ton tour, ma belle ! »
   Arianne lui tendit la ceinture. Mariette ouvrit de grands yeux, en découvrant le double emploi de l’engin et ne se sentit guère capable de s’en servir.
  - « Attends, je vais t’aider. »
   Arianne lui reprit la ceinture et fit lever Mariette. Elle s’installa derrière elle. Posant sa main sur la nuque, elle la fit se pencher et doucement lui écarta les fesses pour embrasser l’intérieur à pleine bouche et masser avec sa langue humide afin de faciliter la suite des événements. Laissant la jeune femme inclinée en avant, elle prit le phallus et le glissa avec précaution, tirant bien les deux fesses vers l’extérieur pour ouvrir le passage. Mariette prit une longue inspiration et grimaça deux ou trois fois tandis qu’Arianne bouclait la ceinture par-devant.
  - « Viens ! »
   Arianne s’était étendue sur le lit, dans la même position où Mariette venait de subir ses assauts.
   S’aidant de la main gauche, Mariette guida son nouveau sexe vers son objectif. D’abord en appui tendu sur ses deux bras, elle entama quelques mouvements de reins mais son inexpérience l’obligea à s’y reprendre à plusieurs fois. Les retours en arrière un peu trop vifs avaient tendance à faire jaillir l’objet hors de sa cachette. Mariette apprenait vite et elle réussit à contrôler ses va et vient. Se mettre ainsi dans la peau d’un homme n’était pas pour lui déplaire. Même si elle trouvait ça un peu fatigant.
   Elle comprenait également l’intérêt de l’hôte qu’elle accueillait en elle. Sans lui, elle se serait vite ennuyée. Ainsi complice du plaisir de sa partenaire, elle partageait pleinement la situation. Arianne était déchaînée. Elle se tordait dans tous les sens à chaque fois que le sexe artificiel s’enfonçait jusqu’à la garde, accompagnant les mouvements avec son bassin.       A bout de force, Mariette pesait maintenant de tout son poids sur le corps d’Arianne, poitrine contre poitrine, tout en continuant à accélérer le rythme de ses pénétrations. Arianne hurla, inquiétant quelque peu Mariette qui se demandait si elle devait s’arrêter ou non. Puis Marianne se raidit soudain et se relâcha définitivement pour rester immobile, marquant la fin de l’action.
   Il était l’heure de passer à table. Et elles eurent même le temps de prendre le café avant de rejoindre le bureau.


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Samedi 12 août 6 12 /08 /Août 23:54
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Chapitre 5


   Mariette était en retard. Pourtant, elle avait la tête (et le reste) ailleurs. Elle reprit sa marche jusqu’à son lieu de travail, ne se souciant guère de trouver une excuse valable mais se demandant plutôt comment elle finirait sa journée si la « Chose » continuait à faire des siennes. Chaque fois qu’elle croisait un homme, elle le voyait entièrement nu, le sexe en érection, prêt à l’emploi. Mariette avait toujours eu un sixième sens pour imaginer le cinquième membre.
   Sa « Chose » lui chantait à l’oreille la chanson de Gainsbourg « Annie aime les sucettes ». A chaque pas,  le frottement l’une contre l’autre de ses cuisses humides (elle n’avait pas remis sa culotte) faisait remonter en elle une chaleur bienfaisante. C’est donc très logiquement, par deux fois avant d’arriver à destination, qu’elle dut s’appuyer contre un mur, le temps de laisser passer un léger « bien-aise » passager.
   La matinée de travail débutait en principe à 10 heures (il était 11 h 30) et n’était guère surchargée. Comme d’habitude, les habitués du Minitel rose étaient des couche-tard. Quitte à mettre en pratique téléphonique leurs fantasmes, ils préféraient le faire à tarif réduit. Ce n’était généralement que vers 17 heures que les appels commençaient à s’accélérer.
   Mariette travaillait une semaine, de 10 heures à 19 heures (avec une heure de pause à 13 heures) et la suivante, de 20 heures à 4 heures du matin. Son employeur estimait qu’ensuite les derniers poivrots ne méritaient pas « ses » filles et que pour les autres, SOS Amitié pouvait très bien prendre le relais.
Personne ne s’aperçut que Mariette était en retard. Comme ses collègues, elle passa le reste de la matinée, le nez dans son « cahier de bord » pour se remettre en mémoire les fidèles clients. Elle y consignait leurs petites habitudes, leurs points forts (généralement situés au même endroit pour tous) afin, comme disait le patron, de « tenir son rôle au mieux ».
   Son premier client, « SPHYNX », datait de l’an dernier mais il  arrivait encore aujourd’hui à Mariette de le croiser par hasard sur son écran. Aucun problème de se souvenir que, pour lui, elle était « MINOU ». Pour « PIERROT », encore plus facile. Elle était tout naturellement « COLOMBINE ». « JULIETTE », pour « ROMEO ». « DRACULERA », pour « GROS DRAGON ». « CHATTE BEANTE », pour « GROS DEGUEULASSE ». « ULLA », pour toute une série de clients de passage car elle préférait trouver ensuite un pseudonyme bien en accord avec son vis à vis (souvent vice à vice) quand celui-ci décidait de fidéliser ses services. C’était beaucoup plus pratique pour s’en souvenir et cela apportait au client une petite touche personnelle qu’il appréciait toujours. Ça, c’était pour le Minitel rose.
   Pour le téléphone (également rose), c’était beaucoup plus facile. Pas besoin de prendre des notes. Elle laissait sa « Chose » raconter des histoires. Ses interlocuteurs n’avaient guère utilité de fixer les images, qui leur venaient en tête, avec un prénom ou une appellation plus ou moins contrôlée. Sa « Chose » était suffisamment explicite dans ses propos. Parfois un peu trop. Si bien que les coups de fil ne duraient pas assez longtemps au goût de son employeur.
   Mariette avait également un second cahier sur lequel elle notait scrupuleusement les noms et les adresses (ou les numéros de téléphone, ce qui revenait au même, après une petite recherche) de certains correspondants. Ceux qui, faute d’obtenir les coordonnées de Mariette, inscrivaient les leurs sur l’écran, des fois que, on sait jamais... Ceux-là ne tardaient pas à recevoir chez eux (sous pli discret) quelque documentation suggestive comme celle dans laquelle Mariette avait déniché son Johnny fétiche.
   Ce fichier-clients particulier et confidentiel permettait aussi d’envoyer aux intéressés un autre genre de littérature. Toutes les employées avaient dans un tiroir des séries de photographies soigneusement rangées dans des chemises de couleur. Avec chaque dossier on trouvait des photos évocatrices d’une demoiselle ouverte (dans tous les sens du terme) à toute proposition. Elles étaient épinglées à une lettre toute prête, destinée à être envoyée avec son « illustration ». En échange d’un chèque ou d’un billet de cinquante francs, les lecteurs avertis obtenaient le droit de recevoir la lettre et la photo suivantes, classées pour aller crescendo dans l’art (et souvent le cochon) de la description anatomique. Ce genre de missive marchait bien mais Mariette, malgré la promesse d’un fort avantage pécuniaire, avait refusé de poser pour ces correspondances. Elle préférait mettre son talent en la matière à la rédaction des lettres et réservait ses charmes physiques à des protagonistes plus concrets. Elle décrivait des scènes comme celles qu’elle venait de vivre aujourd’hui, ajoutant quelques détails croustillants (pour faire craquer) que sa « Chose » ne manquait pas de lui souffler dans le creux de l’oreille.
   « Quelle imagination vous avez ! », lui avait un jour lancé son patron, sans aucune arrière pensée car il était toujours très boulot-boulot.


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Vendredi 11 août 5 11 /08 /Août 22:42
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Chapitre 4


    Pour se rendre à son bureau, Mariette prenait le bus. Ce matin là, l’automne naissant était radieux et elle décida d’aller travailler à pied. Après ce début de matinée agité, loin d’être fatiguée par ses exploits solitaires, la jeune femme se sentait pousser des ailes et débordait d’énergie. Les trois petits kilomètres à parcourir lui apparaissaient comme une promenade de santé.
    En passant devant la file d’attente du bus, elle remarqua un homme qu’elle n’avait jamais vu auparavant. Il y avait « Monsieur Figue-sèche », baptisé ainsi parce que visiblement rabougri de corps et d’esprit; Monsieur Prébandet, un voisin retraité de la fonction publique que Mariette surnommait  «A-vos-marques » en raison des oeillades qu’il lui lançait chaque fois qu’elle le croisait; Madame Martin, une habitante du quartier aussi anonyme que son patronyme; deux ou trois personnes que Mariette ne connaissait que de vue.
   Et puis cet Homme. Grand. Les yeux assez clairs pour se rendre compte, même à dix mètres, qu’ils étaient clairs, sans pouvoir toutefois en distinguer la couleur. Un jean moulant. Un pull de camionneur bleu (le pull, pas le camionneur) à la fermeture-éclair ouverte sur un bout de tee-shirt blanc. Des cheveux grisonnants, courts mais abondants. Une bouche que Mariette (ou plutôt sa « Chose ») qualifierait volontiers « d’intéressante ».
   - « Monte devant lui! »
   Mariette s’arrêta net. Surprise. Sa « Chose » ne lui donnait jamais d’ordre aussi clair et précis que celui qui venait de résonner dans sa tête. Impossible d’y résister. Elle se dirigea donc vers la file et, comme si de rien n’était, elle s’intercala entre l’Homme et Monsieur Prébandet.
   Quand le bus s’arrêta, il était déjà bondé de travailleuses et de travailleurs en tout genre. Le flux entraîna Mariette jusque vers le fond du car et elle prit soin de saisir la barre centrale, posant sa main droite quelques centimètres au-dessus de celle de l’Homme, après s’être glissée juste devant lui. En bousculant au passage Monsieur Prébandet qui se garda bien de rentrer ses mains baladeuses. Ce qui ne manqua pas de provoquer une rougeur sur le visage du retraité, ses joues devenant en un instant du même coloris que son nez.
   Dès le premier cahot, Mariette se laissa volontairement basculer en arrière puis conserva sa position. Les fesses bien calées, juste en dessous de la ceinture de l’Homme qui se tenait derrière elle. Lui non plus ne bougea pas. Pas plus que sa main ne se décala quand celle de Mariette descendit le long de la barre, jusqu’à entrer en contact.
   D’un geste apparemment anodin, Mariette rajusta le sac qu’elle portait en bandoulière. Elle contourna l’objet et posa directement sa main gauche au niveau du sexe de l’Homme, profitant des corps serrés les uns contre les autres pour la masquer aux yeux des autres passagers. Toujours pas de réaction. Mariette ne voyait pas le visage de l’Homme mais ce dernier ne pouvait ignorer cette attaque directe. D’autant plus que Mariette commença à refermer sa main, pressant les doigts pour mieux saisir sa prise. Pression, relâchement. Pression, relâchement...
   A chaque mouvement, Mariette constatait que son petit manège portait ses fruits. Le tissu du pantalon se tendait et le renflement mûrit jusqu’à prendre une forme sans équivoque que Mariette n’avait aucun mal à imaginer. Après une dernière pression, elle changea de tactique. Elle appliqua alors la main bien à plat, doigts vers le bas, la paume légèrement creusée pour épouser parfaitement le sexe de l’Homme maintenant dressé au maximum de ses capacités.
   Mariette reprit le même rythme mais cette fois-ci de bas en haut. A chaque passage,  la main s’arrêtait quelques secondes afin de chatouiller du bout des doigts les fondations de ce solide pylône (qui, malgré les apparences, n’avait rien de branlant).
   L’Homme entra dans le jeu et accueillit la main par un discret balancement régulier d’avant en arrière, parfois entrecoupé d’un violent coup de reins quand une ornière dans la chaussée lui en donnait l’occasion... Sans pour autant attirer l’attention des voisins.
   Trois arrêts plus loin, Mariette avait sensiblement accéléré la cadence. L’Homme suivait toujours. Toutefois, le bus se vidait régulièrement et dangereusement de ses passagers.
   - « Descends maintenant! »
   Pas question de résister à la « Chose » qui devait sûrement avoir une petite idée derrière la tête car Mariette ne l’avait jamais vue renoncer à une proie avant d’être repue. Et là, Mariette était très loin d’avoir apaisé son excitation. Elle lâcha donc la barre et d’un pas mal assuré se dirigea vers la sortie du bus. Elle appuya sur le bouton pour demander l’arrêt.
Une fois dehors, Mariette se mit à marcher, prenant de grandes bouffées d’air frais qui lui coloraient encore un peu plus les joues. Elle n’avait pas besoin de rétroviseur pour s’apercevoir que l’Homme avait lui aussi interrompu son trajet et la suivait maintenant, une dizaine de mètres en arrière.
   - « Entre là! »
   Mariette devinait où sa « Chose » voulait en venir et franchit la porte cochère qui se présentait sur sa gauche. Elle débouchait sur une petite cour aveugle, dissimulée de la rue. Un endroit parfait pour soulager un petit besoin...
Mariette n’attendit pas que l’Homme arriva. Elle releva sa jupe étroite, enleva sa petite culotte qu’elle mit dans son sac, se pencha en avant et s’appuya des deux mains contre le mur. Tout en marchant dans la rue, elle avait ouvert son sac pour en extraire un petit rond rose qu’elle tenait maintenant dans son poing fermé. Quand elle entendit l’Homme s’approcher, Mariette tendit la main en arrière et l’ouvrit. Pas besoin de longs discours. L’Homme se saisit du préservatif. Elle entendit sauter le cran de la ceinture puis un à un les boutons de la braguette se dégager de leur boutonnière. Le pantalon tomba sur les chevilles de l’Homme. Une dizaine de secondes s’écoulèrent pendant lesquelles Mariette s’imagina, amusée, l’étalon aux prises avec son tuyau de latex. Celui-ci était parfumé à la vanille. Ce qui, dans le cas présent, cela n’avait guère d’importance. Dans ces moments-là, elle préférait faire semblant de ne pas regarder pour ne pas gêner son partenaire mais là, elle n’avait pas du tout envie de tourner la tête. Son attention restait fixée sur ce qui n’allait pas tarder à se produire.
   L’Homme déposa un peu de salive sur le bout de son sexe emmailloté. En pur réflexe, car la séance dans le car avait inondé Mariette. Il plia légèrement les genoux et la prit d’un seul coup en se relevant, plongeant son épée jusqu’à la garde. Ce simple décollage avait suffi pour propulser Mariette jusqu’au septième ciel. Elle haletait, gémissait sous les coups répétés. La mèche était allumée depuis longtemps et l’Homme, lui aussi, était au bord de l’explosion. Elle arriva sous forme d’un long cri rauque après une dernière poussée, plus violente que les précédentes. Puis le silence. Les deux amants repus restaient immobiles, l’un dans l’autre, reprenant leur souffle et leurs esprits.
Mariette laissa son front reposer contre le mur et ne bougea plus. L’Homme se dégagea enfin, laissant glisser son sexe, encore raide, hors de son fourreau. Il se rhabilla derrière elle, posa un bisou sur les fesses de Mariette et s’éloigna en lançant un « Au revoir, mademoiselle ».
   Un vrai gentleman. Il avait même pris soin d’emporter avec lui le préservatif usagé... Et Mariette doutait que ce soit pour s’en resservir ou l’ajouter à une collection.



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Jeudi 10 août 4 10 /08 /Août 22:37
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Chapitre 3


   D’habitude, après ce genre de réveil « amélioré », la « Chose », sans doute repue, entrait dans un long sommeil, laissant seulement passer quelques ondes agréablement sensuelles, comme un parfum lancinant qui aurait du mal à se dissiper. Mais ce matin là, à peine Mariette avait-elle posé le pied en dehors de son lit, que la petite voix intérieure se manifesta de nouveau, dictant ses ordres sous forme de conseils avisés auxquels on ne peut résister.
En prenant ses affaires pour se rendre à la salle de bain, Mariette souleva donc machinalement la pile de tee-shirts dans son armoire pour saisir un objet qu’elle glissa au milieu de ses vêtements. Sans vraiment en prendre conscience, elle ferma ensuite à clef la porte de la pièce carrelée déjà envahie par la buée d’autres nettoyés matinaux.
   Sous la douche brûlante, Mariette sentait tous ses muscles se détendre, même les plus intimes. En revanche, la pointe dressée de ses seins refusait obstinément de rentrer dans le rang. La « Chose » était toute proche et Mariette avait déjà fermé les yeux pour mieux l’amadouer. Ouvrant légèrement la porte vitrée de la cabine de douche, elle saisit à tâtons la boule de ses vêtements propres et fouilla à l’intérieur pour trouver l’objet qu’elle y avait dissimulé.
   Depuis qu’elle travaillait au Minitel rose, Mariette recevait à son domicile, sous pli discret (comme le précisent bien les publicités), toute une série de catalogues affriolants. Elle n’en avait jamais fait la demande mais peut-être s’agissait-il simplement d’un « avantage social » écrit en tout petit en bas de son contrat. C’est en feuilletant ces pages aux beaux jeunes hommes et aux jeunes filles effeuillées que Mariette avait été séduite par l’objet qu’elle tenait maintenant serré dans sa main gauche.
   Dans le catalogue, il était décrit comme « la reproduction exacte par moulage en pleine forme du sexe de Johnny Profundo ». Le Johnny Profundo en question était l’idole rock de Mariette. Il tournait aussi parfois dans des films. A chaque scène, Mariette quittait des yeux ceux de son acteur fétiche pour descendre le regard en dessous de la ceinture... Dans le but de vérifier si son objet était bien l’exacte reproduction. Pourtant, même en ayant loué et reloué les cassettes pour se les passer au ralenti, elle n’était pas encore sûre de ne pas s’être fait gruger. Qu’importe, l’objet avait prouvé maintes et maintes fois son efficacité et il suffisait à Mariette de fermer les yeux pour sentir réellement son Johnny en elle.
   Le sexe était de couleur chair et avait une élasticité agréable au toucher. Il lui manquait toutefois cette texture de peau de bébé que curieusement les hommes conservent en ce seul endroit de leur personnalité. Cette douceur qui séduisait tant Mariette quand elle prenait un sexe entre ses doigts puis le portait à la bouche, simplement pour se caresser les lèvres avec. En revanche, jamais elle n’aurait porté son Johnny à la bouche. Elle avait mieux à faire avec.
Après avoir préparé le terrain (cette fois-ci, la main droite fit parfaitement l’affaire... Il n’y a pas que pour l’écriture que l’on peut être ambidextre), Mariette s’accroupit dans la cabine de douche, pour ne pas risquer de tomber. De sa main gauche, elle inclina le sexe en latex et le laissa embrasser son propre sexe. Très lentement, elle redressa l’objet en le faisant remonter dans son fort intérieur. Entièrement. Ne laissant dépasser que la base évasée tenue du bout des doigts.
   Le modèle choisi par Mariette était proposé en trois tailles. La « petite », la « normale » et la « hard » (évidemment la plus chère). Ne goûtant guère le sexe-performance, elle avait opté pour la « petite », plus maniable et nettement plus raisonnable au vu des utilisations qu’elle comptait en faire. Mariette supposait que la version « hard », avec ses trente-cinq centimètres, était purement décorative (effet garanti) car elle ne voyait pas très bien l’intérêt de se chatouiller les amygdales en se faisant l’amour. La « petite » semblait à Mariette bien plus proche de la réalité et ses quatorze centimètres étaient confortables à souhait. Quant à la « moyenne », dotée de vingt-deux centimètres, ils pouvaient se la mettre où elle pensait. S’ils y arrivaient !
Quatorze centimètres de plaisir convenaient parfaitement à Mariette. D’autant plus que le moment le plus agréable lui semblait, sans conteste, l’instant où elle retirait l’objet de son sexe pour le réintroduire aussitôt, provoquant une contraction dans tout le bas de son ventre.
   Dix minutes et quelques centaines de litres d’eau chaude plus tard, Mariette ruisselait de plaisir mais l’orgasme espéré se faisait attendre. Comme si la « Chose » cherchait autre chose.
   Mariette enleva l’objet de son sexe dans un mouvement si lent qu’elle put sentir chaque seconde se transformer en heure délicieuse. Arrivé à la sortie, le (supposé) membre de Johnny ne se retira pas complètement. Mais inexorablement s’appuya vers le bas, sous la poussée de la main gauche. Il cherchait sa voie et ne tarda pas à la trouver. Sans transition, il remonta, toujours imperceptiblement et força le passage qui ne demandait qu’à s’ouvrir. Mariette poussa légèrement afin de le laisser entrer en elle d’un mouvement inverse. Quatorze centimètres dans ses entrailles, tandis que l’étroit portail était secoué de convulsions, non pour chasser le locataire mais pour mieux dresser un état des lieux. Après trois aller-retour en douceur, Mariette accéléra le rythme tandis que sa respiration faisait de même. La « Chose » était aux anges et Mariette ne tarda pas à la rejoindre avant de s’écrouler sous la douche, anéantie par une série d’orgasmes brefs et violents.
Johnny était toujours en forme, abandonné au fond du bac, tandis que Mariette, maintenant assise, les jambes tendues, savourait quelques ondes retardataires qui troublaient encore la surface de son esprit. « Debout ! » Dit la « Chose ». Et Mariette se releva, éteignit en premier l’eau chaude pour laisser un rideau de glace lui redonner quelques forces et coupa l’eau. Il était temps d’aller au travail.

chapitre 4
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Mercredi 9 août 3 09 /08 /Août 22:35
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Chapitre 2


   Ce matin là, la « Chose » avait eu la bonne idée de se réveiller en même temps que Mariette. Après lui avoir délicatement murmuré son nom à l’oreille, elle s’était mise au « travail », prenant le contrôle total de son corps. C’était tout de même plus agréable de la retrouver allongée dans son lit, plutôt qu’appuyée contre un caddie de supermarché.
   Mariette n’eut pas besoin d’ouvrir les yeux, passant directement du rêve (dont elle ne se souvenait pas), à la réalité. Ses deux mains, allongées contre ses jambes, commencèrent à prendre vie. La droite se posa sur le genou droit puis remonta tout doucement le long d’un parcours qu’elle connaissait par coeur. Le dessus de la cuisse, millimètre par millimètre; légère inclinaison vers l’intérieur, à la hauteur du sexe, mais sans s’arrêter en si bon chemin; le ventre, avec la main bien à plat pour un petit mouvement circulaire comme quand les enfants font « miam-miam ». Le sein droit faisait obstacle à cette remontée corporelle. Mariette le contourna délicatement avant d’enserrer son cou avec douceur. Elle redescendit ensuite sa main pour l’arrêter à la hauteur de la poitrine et entama une série d’aller-retour entre les deux seins, histoire de ne pas faire de jaloux.
   Pendant ce temps, la main gauche ne resta pas inactive. Partie elle aussi du genou (gauche, cette fois), son trajet était nettement plus court que pour sa consoeur. Arrivée sur le haut de la cuisse (toujours la gauche), la main refusa de monter plus haut et rejoignit son point de départ, recommençant inlassablement jusqu’à ce que la main droite soit position. Ce n’est qu’ensuite que les choses sérieuses (comme dirait sa « Chose ») pouvaient démarrer. Après une ultime montée, Mariette écarta légèrement les jambes pour mieux faire tomber sa main gauche dans le piège. La main ne se fit d’ailleurs pas prier. Très lentement, elle se dirigea vers son but jusqu’à recouvrir entièrement le sexe, pour un cérémonial mille fois répété mais toujours excitant.
   Le majeur gauche fit bande à part, se désolidarisant de ses voisins, et se recourba sensiblement pour explorer son terrain de prédilection. L’index et l’annulaire connaissaient leur boulot. Tout en restant bien à plat, ils s’écartèrent un peu vers l’extérieur afin d’ouvrir la porte pour laisser passer la clef. L’entrée libérée, restait encore à actionner l’interrupteur pour faire jaillir la lumière. Le majeur savait exactement où appuyer sur le bouton pour obtenir le résultat voulu. Ce n’était pas du tout le genre d’interrupteur prêt à obéir au doigt et à l’oeil. Il fallait le séduire, le titiller, le presser, le contourner, partir, revenir. Mais le majeur savait comment s’y prendre et Mariette ne tarda pas à gémir d’impatience.
   Quand l’attente devint presque douloureuse, Mariette se cambra et, de sa main droite, sans interrompre sa main gauche, glissa sous ses fesses un petit oreiller. Comprenant parfaitement le signal, le majeur gauche quitta son minuscule promontoire érectile pour céder sa place au pouce. Profitant de cette relève, il glissa quelques centimètres plus bas jusqu’à se laisser complètement engloutir. Après dix petites secondes d’immobilité, destinées à enregistrer toutes les sensations déclenchées par la présence de ce délicat intrus, le doigt commença à se retirer. Arrivé à la porte de sortie, sans doute pris d’un brusque remords ou plus vraisemblablement pour répondre au coup de reins de Mariette, le majeur réintégra en force sa cachette.
   D’aller retour en va-et-vient, de remords en coups de reins, Mariette se laissait naviguer sur un océan de plaisir. Roulis, tangage. Elle n’était plus maître à bord et sa « Chose » la conduisait tout droit à bon port. Quand l’orgasme surgit, Mariette ne pu retenir un léger cri, puis deux. Elle crut jaillir de son lit tant l’explosion fut forte et ne reprit conscience qu’en entendant sa mère frapper à la porte. Quelques vaguelettes de plaisir secouaient encore son corps baigné de transpiration.
   - « Mariette, il faut que tu te lèves ! Ça fait un quart d’heure que ton réveil sonne ! »
Les retours sur terre sont toujours trop terre à terre.


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Mardi 8 août 2 08 /08 /Août 22:32
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Chapitre 1



   La « Chose » rôdait dans sa tête depuis le matin. Elle s’était manifestée dès son réveil d’une petite voix rose et insistante, susurrant simplement son nom dans l’oreille de Mariette. Sans violence. Mais jamais la « Chose » n’avait été aussi présente ni aussi pressante.
   Sa mère lui avait déclaré un jour, d’une remarque qu’elle voulait désobligeante, « Ma pauvre fille, tu es vraiment portée sur la chose » et c’est ainsi que Mariette appelait désormais cette compagne intime qui la suivait partout.
   Son petit frère, qui avait des lettres, l’appelait « La Nymphomane »... tout ça parce que le mois dernier, elle avait amené en cachette un copain dans sa chambre. Mariette trouvait que « Nymphe », c’était joli mais « Omane », ça faisait trop masculin. Pas assez délicat pour sa « Chose ». Et puis, il pouvait parler, lui et son petit « Machin ».

   A vingt-cinq ans, Mariette n’avait rien d’une oie blanche, ni d’une fleur bleue, et encore moins d’un petit chaperon rouge. Elle vivait chez ses parents, avec son petit frère âgé de huit ans (« arrivé à l’improviste », comme disait sa mère) et officiellement elle travaillait en qualité de standardiste dans une société d’import-export.
Officiellement seulement, parce que depuis deux ans, elle passait ses journées dans une petite pièce, avec devant elle trois Minitels et deux téléphones qui n’avaient de rose que le nom puisqu’ils étaient tout les deux blancs. En fait, elle ne mentait guère car elle importait et exportait vraiment des articles, mais aussi des adjectifs et des noms qui, eux, n’avaient rien de commun avec ceux que l’on employait à la maison.
   Elle avait trouvé ce travail par hasard, en répondant à une petite annonce. Un vieux monsieur très digne lui avait expliqué, avant de l’embaucher, que tout ce qu’il lui demandait c’était de tenir en haleine le plus longtemps possible les « clients ». Les six autres filles qui travaillaient dans les pièces voisines (et insonorisées) ne restaient guère longtemps et il ne se passait pas une semaine sans que Mariette rencontre une nouvelle tête dans les couloirs.
   Elles « craquaient », comme elles disaient. Mariette, elle, avait sa « Chose » qui semblait se nourrir des pires obscénités qu’elle entendait et prenait un peu plus de force chaque jour. « Obsédée », « Lubrique », « Luxure », tous ces mots n’évoquaient rien pour Mariette. Pas de rougeur suspecte sur les joues. Juste un petit sourire quand elle entendait prononcer « Concupiscent », mais elle voyait bien que c’était pareil pour tout le monde. Non, sa « Chose », c’était vraiment tout autre chose.
   Ils voulaient tous un rendez-vous avec elle. Tous. Pour l’allécher (« Pour te faire mouiller », disaient-ils plutôt), il y avait les tendres qui lui prodiguaient mille caresses par écran de Minitel interposé. Les poètes, avec leur « mont de Vénus » ou leur « baguette magique ». Les brutaux, qui promettaient de la « défoncer » et de la faire « crier comme une chienne ». Les anatomiques qui rêvaient de prendre une leçon de travaux pratiques de gynécologie. Les vantards et leur « membre de trente centimètres ». Les rigolos, qui jouaient avec les mots mais d’une main seulement. Mariette les appelait sa « faune », son « zoo » mais elle se gardait bien d’ouvrir la cage en donnant son numéro de téléphone.
   D’habitude, Mariette se contentait de laisser sa « Chose » régler ses problèmes de sexe. Elle aimait bien faire l’amour mais ce qu’elle préférait avant tout, c’était vivre ces moments là dans sa tête. Parce qu’elle n’avait pas ensuite tous ces « à côtés » ennuyeux. Se relever pour aller se laver, supporter un monsieur qui s’endort tout de suite (il y en a même qui ronflent), voir sa tête le lendemain matin (« Alors, heureuse? »), le consoler quand ça n’a pas marché bien fort (« Mais non, c’était très bien »). Le pire, ce sont ceux qui tombent amoureux et pour qui « tirer un coup » rime bizarrement avec « toujours ».
   Avec sa « Chose », aucun problème. Toujours disponible. Pas même besoin de lit. Le confort méningé tout électrique et sans note à payer. Le plus agréable était l’indépendance de la « Chose ». Elle se réveillait sans prévenir, pendant que Mariette faisait ses courses, quand elle était assise à table devant une assiette de soupe ou tandis qu’elle patientait à un guichet. Mariette fermait alors les yeux et ouvrait sa porte intérieure.
« Vous n’allez pas bien mademoiselle ? Vous avez un malaise ? Je peux vous aider ? » Ça, c’était le seul inconvénient. Les gens sont tellement peu habitués à assister à un orgasme féminin en public. Certaines femmes devaient bien s’en douter mais les mâles depuis longtemps ont préféré assimiler un état de pâmoison à un vertige passager.
   Pourtant, certains signes qui ne trompent pas. Les jambes qui se dérobent. La pointe des seins qui se dressent sous le chemisier jusqu’à les rendre délicieusement sensibles. Les joues qui se colorent légèrement. Un petit sourire qui s’affiche (ça, ils ne comprennent pas du tout et ils parlent de « rictus »). Les paupières qui se ferment et s’ouvrent sous d’autres cieux.
Mariette adorait ces instants qui précèdent la tempête. Et puis, quand elle se sentait fondre, juste avant de tomber, survenait le feu d’artifice, avec suffisamment d’énergie pour raidir ses muscles et la maintenir debout. D’abord une petite fusée, toute blanche, qui éclate sans bruit. Ensuite, impossible de contrôler. Ça explose de partout dans sa tête. De toutes les couleurs. Comme une série de crampes dont la douleur serait entièrement remplacée par le plaisir. Mariette sentait alors son sexe se dilater puis se rétracter, comme s’il mimait un accouplement sauvage. Et puis, plus rien. Quelques gouttes de sueur perlant sur son front pour unique témoignage de la fin du « malaise ».
   Mariette, après avoir été secourue par quelques bonnes âmes charitables, trouvait qu’il était bien injuste de parler de « malaise ». Et quand elle discutait avec sa « Chose », elle évoquait désormais ses « bien-aises ».


 

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Lundi 7 août 1 07 /08 /Août 22:27
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